Errare humanum est, perseverare diabolicum est

Auteur :Akhésa

 

 

 

 

 

E-mail : Akhesa_fr@hotmail.com

Spoiler : Rien de particulièrement frappant… Donc, sans danger pour ceux qui n’auraient pas vu les dernières saisons…

Résumé : Trois ans après que les activités du SGC soient devenues publiques, SG1 est récompensé, mais…

Disclaimer : Les personnages ne m’appartiennent pas, et vous connaissez la suite…

 

 

 

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Je dois sourire. C’est ce qu’on attend de moi. Et je ne fais que ça depuis cet après-midi ; j’ai collé un sourire artificiel sur mon visage. Ceux qui me connaissent – ou qui me connaissaient autrefois – doivent savoir que tout est forcé, même s’ils ne comprennent pas pourquoi. J’ai senti le regard interrogateur de Janet, celui confus de Janet. Sans compter ceux, inquiets, de mon père. Bizarre, voilà deux ans que je ne l’ai pas revu, et je lui ai à peine adressé trois mots. En fait, il y a trois ans, ils ont quitté le projet. Je parle de Daniel et de Janet et de la plupart des militaires qui ont travaillé à la base. Pendant ces trois années, j’ai dû revoir en tout et pour tout Daniel et Janet dix fois. La dernière était pour l’enterrement du général Hammond ; c’est vrai que nous avons tous été tristes de le perdre. Il s’est éteint dans son sommeil il y a un an.

Aujourd’hui, nous sommes tous à Washington pour la remise des médailles. SG1, et toutes les équipes SG sont récompensées pour avoir éradiqué la menace Goa’uld. Tout le monde est là ! Des visages que je croisais autrefois tous les jours et qui aujourd’hui me semblent tous étrangers. Papa est venu avec les représentants de la Tok’ra. C’est pourquoi je n’ai pas encore eu le temps de lui parler. Je redoute le moment où cela se fera. Il me connaît trop et il saura. Et moi, je n’ai aucune envie d’en parler.

 

Il y a trois ans, le projet Stargate a été dévoilé au monde entier. La menace des Goa’uld disparue, le gouvernement avait jugé plus rentable de rendre la Porte des Etoiles publique. Je me souviens encore du jour où le Président fit son annonce. Il s’était déplacé au SGC spécialement pour nous apprendre sa décision.

Nous étions tous réunis en salle d’embarquement. Le Président nous fit part de la nouvelle d’une voix neutre : le SGC allait passer entre les mains des civils et deviendrait la base de départ de circuits touristiques vers les autres planètes. La plupart des militaires allaient être mutés dans d’autres bases, tandis qu’un petit groupe restait pour assurer la sécurité de la base et effectuer d’autres recherches et explorations de mondes encore inconnus. Le complexe restait aussi à moitié militaire, avec un département diplomatique, afin de pouvoir accueillir extraterrestres.

 

Quinze jours plus tard, le monde apprenait l’existence de la Porte. Dire que le choc, la surprise, et l’émerveillement furent grands serait un euphémisme. D’abord, il y eut le mouvement de protestation de nos alliés qui n’avaient pas été mis au courant du projet et qui reprochaient aux Etats-Unis d’avoir pris des décisions au nom de la Terre sans en avoir référé aux Nations Unies. Les problèmes politiques passés, les tractations commerciales ont commencé, et bien évidemment, les Russes ont voulu avoir leur part du gâteau, avec leur seconde Porte. Les voyages se feraient donc alternativement entre la Russie et les Etats-Unis. Inutile de préciser que les candidats furent nombreux. Jamais je n’aurais pensé que le SGC en serait réduit à être assimilé à une sorte d’aéroport…

 

Toutes les équipes ont eu droit à leur quart d’heure de gloire : les télévisions du monde entier voulaient tout savoir. SG1 n’y a pas coupé. Il existe même aujourd’hui une série qui retrace nos aventures. Nous avons tous les cinq des figurines à notre image qui se vendent comme des petits pains, aujourd’hui encore.

Le colonel O’Neill a été promu général. Ce qui permit à Hammond de prendre une retraite bien méritée, vu que le nouveau général allait prendre le commandement de la section militaire de ce qui allait s’appeler : « Centre Spatiale de tourisme et de recherches ». Ecoeurant. Je suis d’accord. On m’a tout de suite proposé de rester, car mes connaissances concernant la Porte étaient primordiales. C’est ce que j’ai fait.

Oh ! J’oubliais : quand il est devenu général, Jack m’a demandé de l’épouser. Bien entendu, j’ai dit oui, et c’est pourquoi j’ai quitté l’armée. Je suis donc maintenant le Professeur Samantha Carter O’Neill, expert en technologies extraterrestres et l’épouse d’un général renommé : pensez donc, le premier humain à avoir franchi la Porte des Etoiles !

 

Aussitôt après notre mariage, qui ne sembla d’ailleurs surprendre personne, Janet et Daniel se marièrent à leur tour et déménagèrent pour Washington, où Daniel avait eu un poste intéressant. Il était enfin reconnu par la communauté scientifique, qui lui fit même des excuses publiques concernant ses réactions négatives d’autrefois. Réhabilité, Daniel pouvait avoir tout ce qu’il désirait, et travailler pour le SPTR ne lui disait rien. A vrai dire, s’il n’y avait pas eu le côté de recherches, j’aurais laissé tomber moi aussi. Et puis, ce centre - cette base -  était la vie de Jack. Et moi, j’étais sa femme. Nous sommes donc restés. Teal’c est retourné vivre sur Chulak, planète libérée des faux dieux,  avec sa femme et son fils. Papa, malgré la défaite des Goa’uld ne pouvait pas venir souvent. Je ne sais pas dans quoi se sont engagés les Tok’ra, mais toujours est-il que cette dernière année, il n’est pas venu une seule fois sur Terre, et mon travail m’a empêché de lui rendre visite.

 

Je me demande encore pourquoi nous n’avons pas revu Daniel, Janet et leurs enfants plus souvent. Oui, leurs enfants. Bien sûr, il y a Cassandra. Elle est en seconde année de médecine. Elle n’a peut-être aucun lien biologique avec Janet, mais elle a subi l’influence de celle-ci. Et un an après leur mariage, ils ont eu des jumeaux, qu’ils ont nommé Samantha Sha’re et Jack Timothy (le prénom le plus proche de ‘Teal’c’ qu’ils ont pu trouver). D’après Jack, un certain manque d’originalité. Pour une fois je suis d’accord. Mais ce sont leurs enfants, après tout. Nous sommes bien entendu les parrain et marraine de ces deux enfants, qui sont adorables comme tout, mais qui nous rappellent que nous, nous n’en avons pas.

 

Comment pourrions-nous ? Six mois à peine après notre mariage, nous faisions chambre à part. En six mois, nous avions découvert que nous avions fait l’erreur de notre vie en nous mariant. Nous n’avons rien en commun. Bien sûr, en public, nous avons toujours donné l’apparence d’un couple uni. En public. C’est bien le mot. Les médias se sont emparés de notre histoire « d’amour ». Dans les interviews que nous avons dû donner, les deux premières années, on nous posa plus de questions sur notre relation que sur tout le reste. La série elle-même joue sur cette relation, d’après ce que nous en avons raconté (et Daniel et Janet en ont fait des pages). La romantique histoire d’un amour interdit entre un colonel et son major passe bien avant le fait que SG1 et tout le reste de la base avait passé six ans à défendre la Terre contre des races aliens dangereuses, non ? Romantique histoire d’amour ? Le plus grand mensonge et le plus grand fiasco intergalactiques, oui !

 

Même à nos amis, nous n’avons rien dit. Même envers eux, nous avons joué la comédie. Personne ne s’est jamais douté de rien. Comment auraient-ils pu ? On se retrouvait pour les fêtes (Teal’c venait spécialement avec sa famille) ou les anniversaires. Facile, de jouer, en si peu de temps ! Et partout, partout on nous rappelait, par des petites phrases, comme un coup d’épingle au cœur à chaque fois, que nous avons mis trop de temps pour nous avouer cet amour. Nos amis nous disaient que nous formions un beau couple, peut-être l’un des plus beaux qu’ils aient vus. Mais bien entendu !

Pourquoi mentir ? Parce que, justement, l’un comme l’autre nous avions trop d’orgueil pour admettre publiquement que nous nous sommes trompés et que nous ne nous sommes jamais aimés. Nous y avons cru. Nous avions pris pour de l’amour une forte amitié et une attirance purement physique. Nous nous sommes même battus pendant six mois pour sauver notre mariage. Il a fallu se rendre à l’évidence : nous n’étions pas faits pour nous entendre. J’agaçais Jack, quand je lui parlais de ce qui m’intéressait (autrement dit mon travail de scientifique) et je n’ai jamais pu comprendre son intérêt pour la pêche. Oh, il m’a emmenée dans sa fameuse cabane ! Je crois que de ma vie je ne me suis jamais autant ennuyée. Et c’était notre lune de miel !

 

Les premières disputes ont commencé au bout de quatre mois de mariage et de frustrations et de silences pudiques. Depuis, ça n’a jamais cessé. Nous avons trouvé un compromis : nous partageons la même maison, nous allons au travail ensemble, nous jouons la comédie du couple désépérément amoureux et tout s’arrête là. Nous ne nous parlons jamais, si cela ne concerne pas directement l’ancien SGC. C’est le seul moyen de limiter les disputes.

 

Je risque un coup d’œil vers lui. Il a le même sourire de commande que moi. Au moins, il fait un effort. Ça y est, SG1 a reçu ses médailles et ses compliments. Merci les Goa’uld, on est célèbres et en plus, la Nation, que dis-je, la planète nous est redevable. Pour l’amour du ciel, je m’énerve à chaque fois que je sens que son ironie a déteint sur moi !

 

Un cocktail. Génial. Je n’ai qu’une envie, prendre l’avion et rentrer à Colorado Springs. Je n’arrive jamais à dire à la maison. Je ne me sens pas chez moi, dans cette maison que nous partageons. Chez moi, c’était dans mes rêves un endroit où mon mari, mes enfants et moi, nous serions heureux, pas cette prison sans verrou où un étranger regarde la télévision en silence, tandis que je travaille sur mon ordinateur avant d’aller se coucher après un ‘passe une bonne nuit’ de rigueur.

Ce ne sera plus pour longtemps : Jack a demandé le divorce. Il a eu le courage de le faire, après tout. Tant mieux, je n’y arrivais pas. Cette situation ne pouvait plus durer, de toute façon. Il fallait que l’un de nous se décide.

 

Il m’a annoncé la nouvelle hier soir. Pour la première fois depuis longtemps, nous allions dormir dans la même chambre, apparences obligent : nous sommes dans l’un des hôtels les plus luxieux de Washington, logés aux frais de l’oncle Sam. Nous avons pris soin de demander une chambre avec deux lits. Personne n’y viendrait, avec un peu de chance. Donc, dans cette chambre d’hôtel, je sortais de ma douche, et Jack était assis sur son lit, le dos contre le mur. Je m’apprêtais à rejoindre le mien. Pour la première fois depuis longtemps, je le voyais torse nu. J’avais oublié à quel point il était musclé. Encore séduisant, même à son âge !

« Sam, je pense qu’il faut qu’on parle.

- Se parler ? De quoi ?

- Je vais demander le divorce. Je vois mon avocat dès notre retour à Colorado Springs.

- Oh ! … Très bien. »

J’étais surprise. Dire que cela ne m’a pas affectée serait mentir. Je ne m’y attendais pas, après tout ce temps. Au moins, il était plus formel dans cette annonce que le jour où il m’a demandé de l’épouser, en pleine salle de réunion, devant tout le monde, juste après ce qui était, le dernier breifing de SG1. (« Ah, une dernière chose, avant qu’on parte, général Hammond. Carter, je me demandais si par hasard ça vous dirait de devenir la femme d’un nouveau général. » Tout le monde l’avait regardé, surpris, puis les sourires ont commencé à éclore sur tous les visages, sauf le mien : j’étais trop choquée. Nous n’avions pas d’autres relations que celle d’un colonel et d’un major à ce moment-là. Et je me suis entendue répondre que je n’attendais que cette demande. Deux jours plus tard, je retournais à la vie civile, et peu après, je devenais la femme de Jack.)

Pourquoi ce souvenir me revenait-il à ce moment précis ? Pourquoi cette douleur au cœur, alors que c’était la seule décision raisonnable ?

« Tu… tu vois une autre femme, Jack ? »

Je ne savais pas si je voulais entendre la réponse, et c’était malgré moi que j’avais posé la question. La surprise de son visage me renseigna plus que toute autre réponse.

« Euh… oui. »

Double coup au cœur. Ne vous méprenez pas : je sais qu’il n’y a rien entre nous, mais c’est tout de même difficile d’accepter que son époux, même s’il ne l’est que de nom, vous quitte pour quelqu’un d’autre. Comment ma voix faisait-elle pour rester si calme ?

« Je la connais ?

- Non.

- Ok. Alors bonne nuit, Jack. Nous règlerons tous ces détails à Colorado Springs.

- Bonne nuit, Sam. »

 

Enfin, ce cocktail touche à sa fin. Ce n’est pas trop tôt. J’ai un peu trop bu. Oh non ! Je le sentais : Daniel et Janet nous invitent à passer le reste de la soirée chez eux. Ils insistent : Cassie sera là. Papa est invité aussi, ainsi que Teal’c. On ne peut pas refuser.

Le trajet jusqu’à la maison des Jackson se passe dans une ambiance un peu électrique : papa est venu avec nous et pour le moment nous ne tenons pas à lui parler de notre situation, aussi, Jack sort ses vieilles blagues et je ris, comme autrefois. Papa et lui s’amusent à joute verbale, comme ils adorent le faire, mais je sens Jack tendu, aussi tendu que je le suis. Papa sent qu’il se passe quelque chose entre Jack et moi, mais je suppose qu’il le met sur le compte d’une simple dispute d’amoureux. Ça lui fera un choc. Il aime Jack comme un fils. Sa relation avec Jack est plus filiale que celle qu’il a avec Marc !

 

Cassandra est devenue très belle. C’est la première qui me vient à l’esprit quand je la vois qui nous attend sous le porche. Je ne peux m’empêcher de me rappeler la petite fille que j’ai sauvée, il y a neuf ans. De l’eau a passé sous les ponts, depuis !

Les jumeaux dorment déjà, et c’est dommage, parce que j’avais envie de les voir, maintenant que je suis là.

La soirée, comme je l’avais imaginée, passe à se remémorer les vieux souvenirs. Et il y en a. La Cassandra du futur avait raison : notre voyage ne venait que commencer, quand nous l’avons vue. Six années à découvrir des planètes, à créer des liens aussitôt détruits. Notre amitié avec Daniel, Janet, Teal’c et les autres est forte, mais… c’est nous, le problème.

« C’est bon d’avoir SG1 de nouveau réuni, dit Teal’c. »

Je ne sais pas quel démon me pousse.

« Profitez-en bien, c’est la dernière fois que vous nous voyez, Jack et moi réunis dans la même pièce. »

Tous les regards se tournent vers moi. Ils n’en croient pas leurs oreilles. Papa semble assez perturbé. J’avais raison, ça lui a fait un choc. Je lève ma coupe de champagne vers mon ‘mari’, comme si je portais un toast :

« A notre divorce, Jack ! »

Un grand rire nerveux me secoue. La pièce est silencieuse, seul mon rire la remplit, avec indécence. Jack essaie de rattraper le coup.

« Sam, tu as trop bu !

- Oui. Je le sais, mon amour, dis-je en appuyant avec amertume sur les deux derniers mots. Il y a combien de temps que je ne t’ai appelé comme ça, Jack ? Oh, je sais ! Depuis la dernière fois qu’on a fait l’amour ! ça remonte à quoi ? Trois ans ?

- Sam !

- Quoi ? Nous divorçons, ils ont le droit de savoir, après tout ! Mes amis, écoutez bien : Jack et moi nous vous mentons depuis le début ! Ce mariage est une farce ! Il n’y a rien entre nous depuis le début de notre vie commune ! Et aujourd’hui, il va refaire sa vie. »

Les visages de mes amis et de mon père sont toujours aussi choqués. Je les comprends. Et ce démon qui me fait parler depuis tout à l’heure n’a pas fini.

« Quoi ? Vous ne le félicitez pas ?

- Vous… c’est vrai, Jack ? demande enfin Cassie, les larmes aux yeux.

- Ecoutez, je pensais qu’on aurait pu trouver une autre manière et une meilleure occasion de vous l’annoncer, mais… oui, c’est vrai, nous divorçons, admet-il. »

 

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Une année vient de s’écouler depuis lors. Quand nous avons quitté la maison des Jackson, après la bombe que j’ai lancée, je suis partie en taxi avec papa à l’aéroport. Le divorce a été prononcé et depuis, j’évite de prendre des nouvelles de ce qui se passe sur Terre.Car j’ai suivi papa chez les Tok’ra. Je travaille maintenant pour eux, sans plus aucune relation avec la Terre. Je n’ai pas accepté de symbiote : l’expérience avec Jolinar a été plus que suffisante pour moi, merci. En échange, je leur fournis tout le travail que je peux ; ce qu’il me reste de Jolinar et le fait que Selmac a trouvé un hôte grâce à moi m’aide aussi à être acceptée parmi eux. La mission secrète des Tok’ra est en fait toute simple : rebâtir les mondes que les Goa’uld avaient annexés et redonner aux populations les moyens de repartir de zéro. Je m’attendais plus à une guerre, ou quelque chose de pas très net. Comme quoi, on peut toujours être surpris.

 

Je suis un peu nerveuse, aujourd’hui : papa est parti en mission sur Terre. Rien d’important, juste rappeler à la Tauri le bon souvenir des Tok’ra et assister à un conseil. Et d’un instant à l’autre… Tiens, qu’est ce que je disais, le voilà.

« Bonjour, ma chérie. Comment vas-tu ?

- Bien, merci papa. Comment s’est passée le conseil ?

- Rien de passionnant, comme tu peux l’imaginer. Par contre, il y avait toute ton ancienne équipe : d’après ce que m’a dit Teal’c, c’est le l’anniversaire de la formation de SG1.

- Le dixième, dans deux jours… Comment vont-ils ?

- Il va mal, Sam. »

Stupides larmes ! Pourquoi papa devait-il me dire ça ? Parce qu’il sait lire en moi. Il savait que c’était des nouvelles de Jack que je voulais avoir, même si je refusais jusqu’à ce moment de me l’avouer.

« Oh ! je suppose qu’il n’est pas doué pour les relations sentimentales, si au troisième essai, ça ne va toujours pas…

- Je ne vois pas de quoi tu parles, Sammie… Jack n’a jamais eu personne d’autre, après toi. Il me l’a avoué tout à  l’heure. 

- Quoi ?!

- Nous avons eu une longue discussion, lui et moi, après le conseil. Il voulait aussi savoir comment tu allais, si tu étais heureuse. Je lui ai dit la vérité : que tu n’étais que l’ombre de toi-même et que je te trouvais malheureuse.

- Papa ! Je ne suis pas…

- Sam ! Je suis ton père et je sais reconnaître quand ma fille est heureuse… Tu l’étais le jour où je t’ai conduite à l’autel pour épouser Jack… Néanmoins, pour en revenir à ce que je disais, Jack s’est pris la tête entre les mains, en murmurant que ‘ça n’avait donc servi à rien’. Je lui demandé de quoi il parlait, et j’ai appris une histoire intéressante… Il m’a avoué qu’il n’en pouvait plus de te voir si malheureuse près de lui et c’est la seule raison pour laquelle il demandé le divorce : te donner une autre chance de trouver le bonheur. Quand tu lui as demandé s’il voyait une autre femme, il a été tellement blessé que tu puisses penser qu’il était capable de te tromper qu’il a confirmé tes paroles, tout en pensant que cela faciliterait les choses.

- Papa… arrête là, je t’en prie. »

Cette fois, c’est un torrent de larmes qui s’échappe de mes yeux…

 

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Même le jour de mon mariage, je n’ai pas été aussi nerveuse. Pas même la première fois où j’ai passé la Porte… C’est une autre Porte des Etoiles que je vais franchir… qui me mènera sur Terre. J’avance…

L’autre côté. Celle salle que je connais si bien, et qui a pourtant changé depuis que le complexe est ouvert au public. Il est là. En face de moi. Il ne s’attendait pas à me voir. Je sais qu’il a dû se demander quelle tuile lui arrivait encore des Tok’ra. C’est moi, Jack. Je ne sais pas si ça doit te soulager, mais c’est moi…

Nous nous tenons l’un devant l’autre, séparés par la longeur de la passerelle. Il semble tétanisé. Une éternité passe, et nous continuons à nous regarder. Les larmes forcent la digue de mes yeux. Avec elles, je retouve ma faculté à bouger, et je m’élance vers Jack. Ses bras autour de moi… Je n’ai pour l’instant conscience que de la force avec laquelle ils m’étreignent.

« Je me suis trompée, Jack… je me suis trompée… je t’aime…

- Sam…»

 

Longtemps après, nous nous sommes enfin séparés. Le personnel qui était dans les salles d’embarquement et de contrôle nous a laissé un peu d’intimité. Jack me conduit vers ses quartiers : cette fois, nous devons vraiment parler. Nous nous asseyons sur le lit, incapables pourtant de desserrer notre étreinte. Jack me regarde dans les yeux, comme pour s’assurer que je suis bien là.

« Tu m’as tellement manquée, Sam !

- Toi aussi, Jack. Et je ne parle pas uniquement de cette dernière année. J’ai cru que nous avions eu tort de nous marier, que nous ne nous aimions pas… Mais… je ne peux pas vivre sans toi, Jack. Je ne peux pas…

- Je ne veux pas te rendre malheureuse, Sam. Pendant les trois ans où nous avons été mariés, tu n’étais pas heureuse.

- C’est faux. Je l’ai été, avant cette stupide première dispute… »

 

Comme je l’ai dit, nous étions mariés depuis quatre mois. Les premières semaines, nous avons essayé de nous accorder, mais il y avait tant de choses qui n’allaient pas ! Je ne supportais pas sa façon de tout laisser traîner dans la maison, sa façon de négliger son travail, enfin, pas mal de petites choses, qui ajoutées l’une à l’autre, en faisaient une montagne. De son côté, je l’ai su après, il avait beaucoup à me reprocher aussi… Et nous n’en parlions pas, afin de ne pas blesser l’autre. Nous étions trop différents, mais si nous avions réglé ces détails, peut-être aurions-nous pu sauver notre mariage. J’avais fini par me perusader que l’amour entre nous était parti.

Nous avions une semaine vacances. Je voulais en profiter pour finir quelques retouches à mon livre, que j’avais enfin eu le temps d’écrire, depuis que je n’allais plus en mission. Jack voulait aller à la pêche. Je voulais rester à Colorado Springs. Il n’a rien dit, et il est allé s’asseoir devant la télévision. Un peu en colère et pensant à toutes les choses que je ne comprenais pas chez Jack, depuis quatre mois, je me penchais sur mon ordinateur et je reprenais mon travail. Au bout d’un moment, Jack s’est levé, et il est venu vers moi. Il m’a embrassée sur la nuque :

« Je suis désolé, Sam, je n’aurais pas dû réagir comme ça. Je sais que tu aimes ton travail, mais il est bon de se détendre aussi.

- Parce que tu crois que ne rien faire, dans une cabane perdue au milieu de nulle part, c’est relaxant ?

- Euh… tu t’es amusée, pendant notre lune de miel, non ?

- Pour le temps que tu as passsé avec moi, oui. Mais pendant que tu taquinais tes poissons, je te signale que m’ennuyais à mourir. Sans compter le reste.

- Le reste ?

- Jack ! Tu ne t’intéresses jamais à ce que je fais. Et moi… je commence vraiment à croire que ce mariage était une erreur.

- Tu le penses sincèrement, Sam ?

- Oui… non, je ne sais pas.

- Pourquoi avoir accepté, dans ce cas ?

- Jack ! Je… je pensais que je t’aimais, et puis… et puis tu m’as eue par surprise : tu te souviens de cette demande en mariage ?

- Tu * pensais*  que tu m’aimais ?

- Je suis désolée, ce n’est pas ce que je voulais dire.

- Mais tu l’as dit. Que dois-je comprendre ?

- Jack…

- Réponds.

- Je ne suis pas sûre de t’aimer, Jack. Pas comme tu le mériterais. Je suis désolée. »

Et c’est alors que notre fin a commencé. Nous nous sommes disputés toute la soirée. Jack est parti pour le Minessota le lendemain, sans que nous ne nous soyions réconciliés. Pour la première fois depuis mon mariage, je respirais : je me sentais libre. A son retour, nous avons essayé de reprendre notre vie commune et de faire comme s’il ne s’était rien passé. Le soir-même, une autre dispute a éclaté. Nous avons tenu deux mois de plus, avant de prendre la décision dont j’ai déjà parlé : vivre ensemble, comme deux colocataires. Deux étrangers… Et je me mis à regretter l’armée, mes choix, ma vie. Sans jamais en parler à personne. Jack lui-même, au cours d’une de nos disputes avait admis que nous n’étions pas faits l’un pour l’autre et qu’il s’était rendu compte, lui aussi, de notre erreur.

 

« Et maintenant, Sam ?

- J’ai besoin de savoir, Jack… M’aimes-tu ?

- Sam… Je n’ai jamais cessé de le faire depuis le jour où je t’ai vue pour la première fois ! Mais je pensais que tu ne m’aimais pas ; tu me l’avais dit toi-même. J’avais mon orgueil, moi aussi : je décidais d’ignorer mon amour, ma souffrance. Tu ne parlais pas de divorce, et je me consolais comme je pouvais, en me disant que je vivais près toi, malgré tout. Même si c’était un mensonge, j’attendais avec impatience, les fois où nous voyions Daniel, Janet, Teal’c, ou ton père, ou tout le monde en même temps : alors, tu me laissais te prendre la main, te toucher. Et c’était mon paradis. Mais je te sentais de plus en plus malheureuse. Je ne désirais que ton bonheur. J’ai décidé de te rendre ta liberté. »

Le discours de Jack avati amené d’autres larmes. Cet homme que j’aimais plus que tout avait souffert par ma faute. Nous nous étions fait mal, pendant quatre ans, en nous persuadant que l’autre ne nous aimait pas. Car c’était cela que je voulais, je m’en rends compte : la certitude que Jack m’aimait. Il ne me l’avait jamais dit. Jamais. Je savais qu’il tenait à moi plus qu’il n’était sensé le faire, qu’il m’avait épousée, mais j’avais besoin d’entendre qu’il m’aimait. Cela ne venant jamais, j’ai accumulé contre lui toutes les raisons de le détester, sans même me rendre compte de ce que je faisais et de ce que mon âme désirait : un simple ‘je t’aime’.

« Jack ?

- Oui ?

- Tu veux que… qu’on essaie de se retrouver ?

- Je t’ai retrouvée, ma Samantha ! Et je ne te laisserai certainement pas repartir.  Je t’aime. »

 

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Daniel avait insisté pour que les trois membres restants de SG1 (puisque j’étais avec les Tok’ra au moment où il l’avait décidé) se retrouvent, avec Janet chez O’Malley, afin de fêter les dix ans de l’équipe. Cependant, ni Teal’c, ni les Jackson ne se doutaient de mon arrivée à la base. Jack avait prévenu le personnel de ne pas en parler.

Aussi, quand j’entre dans la salle de restaurant au bras de Jack, les yeux de mes trois amis s’agrandissent. Jack et moi sommes tous sourires.

« Bonsoir les amis. Je vous présente Samantha Carter, ma fiancée. »

J’ai tout de suite vu les larmes noyer le regard de Janet. J’ai étreint ma meilleure amie, puis Daniel et Teal’c. J’ai promis à Janet de tout lui raconter en détail.

« Vous nous avez manqué, Sam, dit Daniel.

- Vous aussi, dis-je sincèrement.

- Vous allez donc vous remarier ?

- On se demandait aussi si nos témoins étaient libres ?

- Quelle que soient la date, oui, définitivement oui, Jack ! s’écria Janet. Je n’ai jamais compris ce qui vous a pris de divorcer.

Je regarde mon Jack en lui souriant tendrement. Oh oui, je l’aime !

- Nous étions fous, Janet.

- Comme je l’ai dit ce soir là, dit Teal’c de sa voix placide, il est bon d’avoir SG1 réunie.

- Et pour de bon, cette fois, ajoute Daniel. Nous revenons vivre à Colorado Springs : le grand air nous manque !

- Bonne nouvelle, Danny… Teal’c ?

- Désolé, O’Neill, je ne quitte pas Chulak, mais je compte venir plus souvent, maintenant que tout semble aller pour le mieux.

 

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Certes, Jack et moi ne vivons pas tous les jours un conte de fées. Nous avons toujours nos petites divergences d’opinion, mais cette fois, nous en parlons, ce qui donne lieu à des disputes qui finissent en général  par de grands fous rires et des demandes de pardon. Nous avons peur de nous perdre, et c’est peut-être un des signes de notre amour. La vie n’est pas tous les jours facile, mais elle est ce qu’elle est, et enfin, nous sommes heureux. Nos deux enfants nous donnent aussi une grande part de ce bonheur auquel nous avions pourtant dit adieu, du temps de notre folie…

 

 

FIN

 

 

 

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